Par Aimad OUHAKKI
En dépit d’une pandémie qui a éclaboussé le monde et impacté des pans entiers de la vie quotidienne, la capitale mexicaine a résisté, par toutes ses forces et surtout à travers sa musique sublime, pour qu’elle garde son flegme et continue de briller de mille “sons”.
La vie dans cette partie du monde est rythmée par la musique, dans une atmosphère certes exotique mais toujours rayonnante et pleine de gaieté. De ses places mythiques et de ses rues animées au fil des heures jaillit la musique des groupes de “mariachis”.
Connus par leur costume typique et leur image qui s’est consacrée à travers les fameux feuilletons mexicains qui ont “envahi” le monde, ces groupes se préparent, dans les places célèbres de la capitale, à donner la pleine mesure de leur talent au grand bonheur des aficionados de cet art ancestral qui fait la marque distinctive du Mexique.
Sur la “place Galibardi” près du palais présidentiel de Mexico-city, l’un des “bastions” renommés des Mariachis, ces troupes jouent leur musique, en interprétant des “morceaux” demandés par les passants et touristes, pour un prix variant entre 150 et 200 pesos (8 dollars) la chanson. Certains d’entre eux chargent 3.000 pesos (environ 150 $) pour une heure de jeu durant laquelle ils parcourent tout un répertoire de chansons des plus célèbres.
Pour en savoir plus sur cet héritage millénaire, la MAP a rencontré Ricardo, chef d’un groupe de “mariachis”, qui a hérité ce métier de ses parents, qui s’adonnaient à leur art préféré durant les fêtes et les cérémonies de mariage.
Du haut de ses 62 ans, Ricardo tient toujours à prendre soin de sa tenue élégante et de sa guitare espagnole, avant de se diriger, avec les cinq membres du groupe, vers la “Place Galibardi”, où déferlent les aficionados de ce genre musical.
Ricardo arrive dans ce lieu mythique pour exercer son “métier” et la “passion” qu’il a héritée de ses ancêtres, originaires de la région de Jalisco au sud-ouest du Mexique où le Mariachi a vu le jour la première fois de l’histoire.
“Bien que je joue cette musique en échange d’argent, j’aime ce que je fais”, confie-t-il à la MAP, soulignant que le Mariachi n’est pas seulement des sons portés par le vent et captés par les oreilles des passants, mais plutôt un “rituel” spirituel qui transporte le musicien avant l’auditeur dans les tréfonds de la culture mexicaine et ressuscite les gloires des ancêtres qui ont donné lieu à ce folklore authentique.
La plupart des chansons de cet héritage musical, selon Ricardo, évoquent l’amour et la mort, la chevalerie et la trahison, les pages glorieuses de la mémoire mexicaine, et même certains animaux. Ricardo cite, dans ce contexte, la célèbre chanson “La Cucaracha” (le cafard en espagnol), interprétée, à travers l’histoire, par des artistes de renom comme l’Américain Louis Armstrong.
À propos des costumes élégants du Mariachi, Ricardo précise qu’ils s’inspirent des vêtements traditionnels “charo” ou du cow-boy. Ils se composent d’une veste courte, de leggings noirs et de bottes d’équitation, pour un prix qui oscille entre 18.000 et 25.000 pesos (900 à 1.300 dollars). S’ajoute à cette collection merveilleuse, un large chapeau décoré de boutons argentés. Quant à sa couleur, elle varie, d’après Ricardo, selon l’occasion.
Dans un contexte mondial marqué par la crise sanitaire, Ricardo reconnaît l’impact des restrictions imposées dans le sillage de la pandémie du coronavirus sur les troupes mariachis, rappelant que les célébrations privées et publiques ont été suspendues pendant plus de deux ans. Il relève toutefois que les places mythiques et les rues des villes font toujours office de grands théâtres ouverts à la chanson et à la création.
Se dirigeant vers une autre place aussi célèbre de la capitale mexicaine qui s’appelle Valverde, on aperçoit un groupe vêtu en costumes noirs qui chante pour une famille qui a perdu un être cher, et un autre en blanc célébrant l’anniversaire du mariage d’un couple.
Non loin de ces troupes, un groupe en costumes verts chante pour des jeunes qui dansent avec des cordes en arborant des fusils de chasse, tout comme les cow-boys qui ont inventé ce genre musical.
Les aficionados de cet art ancestral mexicain se démarquent aussi par des rituels quotidiens. Mariana, qui voue une fascination sans borne à cet héritage ancré dans la culture mexicaine, se rend chaque samedi à la Piazza Valverde pour apprécier un moment festif, en écoutant sa chanson préférée “México Lindo y Querido” (Beau et bien-aimé Mexique), une pièce créée par le pionnier de la musique mariachi Jorge Negrete, surnommée “la chanteuse Charo”.
“Le Mariachi peut sembler être une pratique artistique folklorique pour une personne d’une autre culture, mais pour nous c’est une source de joie et d’émotions, comme une célébration quotidienne qui unit et qui nous distingue (…) C’est tout simplement un merveilleux symbole de notre identité mexicaine”, confie-t-elle à la MAP.
Signe de l’authenticité de la musique Mariachi, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) l’avait inscrit en 2011 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, considérant que cet art “véhicule les valeurs de respect du patrimoine naturel des régions du Mexique, et l’histoire locale dans la langue espagnole et des différentes langues indiennes de l’ouest du pays”.